« J’ai compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer l’injustice, il faut donner sa vie pour la combattre. »
En février 1905, à Moscou, un groupe de terroristes − ces « meurtriers délicats » comme Camus les appela dans L’Homme révolté − appartenant au parti socialiste révolutionnaire, organise un attentat à la bombe contre le grand-duc Serge, oncle du tsar. L’attentat, ses préparatifs et ses conséquences, tel est le sujet de la pièce Les justes écrite en 1949.
Chef-d’oeuvre du répertoire, elle est, pour Jean-Baptiste Delcourt, l’une des pierres angulaires qui soutient le théâtre qu’il fabrique ; ses significations politiques et philosophiques, les résonnances qu’elle entretient avec notre monde actuel, le poussent aujourd’hui à vouloir la partager avec le public.
« L’amour courbe doucement les têtes. » dira Dora. À quoi répondra Yanek « Nous avons la nuque raide. » L’engagement idéologique justifie-t-il le meurtre ? La lutte justifie-t-elle qu’on lui sacrifie tout, y compris la mort d’innocent.e.s ? Les conflits contemporains nous confrontent encore à ces dilemmes éthiques.
Albert Camus, lui, n’aura cessé de combattre le « meurtre légitimé ».
Résumant sa révolte d’une phrase, il écrit : « Quelle que soit la cause que l’on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente où le tueur sait d’avance qu’il atteindra la femme et l’enfant. »