Figure de proue d’un féminisme plus poétique qu’engagé, Sylvia Plath se débattra toute sa vie entre son désir de répondre aux injonctions du rêve américain des années 50 et 60 (épouse et mère parfaite) et son besoin irrépressible d’écrire. Une contradiction profonde qui la mènera à la tombe. Auparavant, elle tirera de cette vie complexe un roman, The Bell Jar (La cloche de détresse) paru en 1963. Pour se pencher sur cette voix féminine, Fabrice Murgia a conçu un spectacle tournoyant qui donne à voir la richesse et le conflit intérieur de la poétesse américaine. Sur scène, neuf comédiennes incarnent Sylvia à différents moments clés de sa vie. Jeune fille dépressive qui fait sa première tentative de suicide à l’âge de 20 ans. Jeune femme exaltée par le pouvoir des mots. Auteure victime de la domination masculine. La grande originalité du spectacle réside dans son mécanisme à la lisière du théâtre et du cinéma. Car tout au long de la pièce, le spectateur assiste en temps réel à la conception d’un film projeté sur un grand écran. La caméra, dirigée avec virtuosité par Juliette Van Dormael, souligne le déchirement de l’artiste, filme les émotions au plus près des visages des comédiennes et suit les mouvements des différentes Sylvia du début à la fin. Une mise en abyme et un portrait sensible, encore enrichi par la sublime mélancolie des compositions musicales de l’auteure-compositrice belge An Pierlé.