Botero en Orient est une ode au corps et à ses rondeurs. Libéré du diktat de la norme filiforme imposée par le monde de la danse, ce corps se livre sans fard, bousculant le spectateur dans son rapport à l’opulence. La danse n’est plus confisquée par une certaine idée de la performance. La voilà essentiellement poétique, sensuelle, authentique. L’œuvre du peintre Botero en filigrane, le spectacle convoque aussi Picasso par des éléments de scénographie cubiques qui accompagnent les interprètes. Et le voyage ne s’arrête pas là?: il ouvre les portes de l’Orient jusqu’à la voix de la chanteuse marocaine Fatima Ezzahra Nadifi, et parcourt les mots sublimes de la poétesse et peintre libanaise Etel Adnan (To Be in a Time of War). Des mots troublants, à double tranchant. On les croit évoquer l’addiction aux aliments, alors qu’ils parlent de la guerre et du chaos. Déroutant, confrontant, Botero rappelle que le temps passe, qu’il fait son office sur le corps des danseurs et de tout un chacun. À quoi bon lutter contre l’inéluctable, pourvu que demeure l’énergie créative. À 43 ans, Taoufiq Izeddiou accepte cette transformation corporelle. Mieux?: il la revendique et la mue en source d’inspiration. « Vivez, dansez » semble-t-on nous souffler, puisqu’il en est encore temps.