Achterland (1990) tient une place décisive dans le parcours d’Anne Teresa De Keersmaeker : c’était la première fois que la chorégraphe concevait un matériau spécifiquement masculin. Trois danseurs rejoignaient Rosas, une compagnie jusque-là amplement dominée par les femmes. Le minimalisme et la féminité dominante des précédents spectacles de Rosas cèdent la place à un no man’s land ambigu où l’on se joue des frontières en brouillant les signes. Dans Achterland, des jeunes filles enfilent des tailleurs, des femmes mettent des chemises d’homme, tandis que de jeunes hommes imitent avec empressement les femmes qui dansent. La combinaison insolite des musiques de György Ligeti et d’Eugène Ysaÿe engendre un cadre ludique et virtuose. Sur scène, le pianiste et le violoniste n’interprètent pas seulement la partition, mais font preuve d’une plus grande implication dans la dynamique scénique – une approche que De Keersmaeker développera abondamment par la suite. La saison passée, la reprise d’Achterland avec une nouvelle génération de danseurs a fait grande impression : ne laissez pas cette nouvelle occasion vous échapper !