Comment un trajet en voiture a-t-il affecté à jamais l’histoire de l’art ?
Michel Tombroff, à travers une série d’œuvres récentes intitulée «Suburban Sublime», nous fait revivre l’événement qui a précipité le passage de l’art du moderne au post-moderne: Un paragraphe de
l’interview réalisée par le sculpteur Tony Smith dans Artforum en 1966, décrivant l’expérience révélatrice de son voyage en voiture en 1951 sur l’autoroute inachevée du New Jersey* - l’une des anecdotes
les plus répétées dans les annales de l’art contemporain - est devenu le scénario du projet de Tombroff. En nous embarquant dans un voyage virtuel sur des segments d’autoroutes sombres, des échangeurs, des
ponts et des cols, Tombroff nous invite à réfléchir à l’épiphanie de Smith: « La route et une grande partie du paysage étaient artificiels, et pourtant on ne pouvait pas parler d’œuvre d’art. D’un autre côté, cela a fait quelque chose pour moi que l’art n’avait jamais fait. Au début, je ne savais pas ce que c’était, mais cela a eu pour effet de me libérer de bon nombre des opinions que j’avais eues sur l’art. Il m’a semblé qu’il y avait là une réalité qui n’avait pas eu d’expression dans l’art, de réfléchir à la nature de l’art et de m’interroger sur la signification du sublime.»
Le professeur David Salomon - auteur de «The Highway Not Taken: Tony Smith and the Suburban Sublime» - écrit à propos de ces nouvelles creations : « L’œuvre de Tombroff n’est rien d’autre que de l’art. Ses sur-
faces, formes et lignes complexes sont captivantes. Leur compréhension et leur création exigent également des compétences spatiales sophistiquées. Ce sont aussi des modèles. Pas des modèles de pistes de course ou d’autoroutes passées ou futures. Ni des modèles de paysages idéaux ou dystopiques. Ce sont plutôt des modèles d’objets et d’expériences intenses, déroutants, enivrants, malicieux, mais réels, qui sont possibles lorsqu’on reconfigure (et multiplie) de manière créative les éléments existants que nous trouvons à notre disposition. »
Michel Tombroff (°1964) postule que l’art conceptuel peut retrouver un rapport à l’esthétique que le tournant langagier des années soixante avait détruit. Ce rapport, il le cherche là où la notion de concept est
la plus pure, c’est-à-dire dans les mathématiques, la logique et la métaphysique, en donnant forme aux idéalités que sont les nombres, la théorie des ensembles, l’infini et en s’appuyant sur les fondements d’une
dialectique renouvelée. Il est ingénieur civil (ULB) et possède une maîtrise de l’Université de Californie (Santa Barbara).