Les artistes et cinéastes Sirah Foighel Brutmann (°1983) et Eitan Efrat (°1983), installés à Bruxelles, ont créé leur nouveau projet Là pour leur première exposition dans un musée. Le titre fait affectueusement référence à Là-bas, le film de 2006 de la réalisatrice belge Chantal Akerman (1950 - 2015). Phonétiquement, le mot français Là veut dire des choses différentes en arabe et en hébreu. En arabe, لا signifie non (la négation des récits hégémoniques sur la terre). En hébreu, לה veut dire pour elle (un hommage ou une sorte d’offrande à Chantal Akerman). Là représente simultanément un prolongement du dialogue imaginaire de Brutmann et Efrat avec Chantal Akerman et un voyage audiovisuel entre la Belgique et le désert du Negev/Naqab en Israël/Palestine, tout en étudiant la notion d’appartenance à un lieu à travers des éléments naturels et la responsabilité historique.
Là est véritablement une œuvre critique aux multiples facettes, qui marque une réconciliation avec la mort de Chantal, d’une part, et, d’autre part, avec l’impossibilité de communiquer avec elle après sa mort. S’appuyant sur les travaux d’Emmanuel Levinas, Jacques Derrida et Akerman (en ce compris ses écrits), l’exposition s'engage dans un dialogue imaginaire avec Akerman, de manière à faire son deuil. Les artistes lamantent le monde qu'Akerman a laissé derrière elle : Là est une réévaluation de la responsabilité juive européenne vis-à-vis d’Israël et de la Nakba palestinienne en cours dans une perspective post-sioniste, en accord avec la riche histoire des mouvements antifascistes juifs belges des deux communautés. Présentant essentiellement de nouvelles œuvres d’art, Là crée un environnement audiovisuel expérimental où les procédés et les mécanismes de production et de présentation d’images cinématographiques et du son se développent spatialement pour évoquer une perception stratifiée du lieu.