Thomas Imbach n’a pas eu à chercher bien loin le sujet de "Nemesis". C’est sous sa fenêtre qu’il a patiemment filmé, sept années durant, la métamorphose de l’ancienne gare de marchandises de Zurich en commissariat de police ultramoderne, doté d’une prison destinée principalement à des détenus « étrangers ». Le film multiplie les perspectives pour offrir une observation minutieuse de cet espace dont les usages s’avèrent variés, de sa condition de gare abandonnée à celle de terrain vague avec sa nature furtive, et enfin de gigantesque chantier. Tourné en 35mm, ponctué de séquences en stop motion qui modifient la vitesse des événements, "Nemesis" est bruité et mis en musique à la manière d’un Jacques Tati, créant un rapport au temps hypnotique et fascinant. Et alors que le ballet de bulldozers et de grues efface la mémoire des lieux et mène le cinéaste à narrer toutes sortes de pensées et de micro-récits, allant de bribes de son histoire personnelle à des témoignages de personnes emprisonnées pour avoir tenté de traverser le pays, cette fête pour les yeux et les oreilles prend une dimension supplémentaire : une réflexion sur une société toujours plus sécurisée et normalisée. Projeté en ouverture du PleinOPENair 2023 dans le cadre très adéquat du marais Wiels, "Nemesis" méritait bien quelques séances supplémentaires au Nova !