En quête des paysages infinis nichés au creux de nos imaginaires, un nouvel art de la chute, au confluent de notre humanité et de la nature qui nous entoure.
La scène s’ouvre sur une immense bâche, qui prend vie sous nos yeux. Actionnée par les quatre interprètes, elle se gonfle, se déploie, fléchit puis se redresse, évoquant tour à tour une mer agitée ou un ciel noir d’orage. Puis la parole arrive. Chacun·e, à tour de rôle, nous raconte un souvenir, un bout d’intimité. Les autres, tout autour, se font passeur·euses d’histoires, portent cellui qui parle, l’empêchent ou l’encouragent. Les corps tombent, se relèvent, se mettent à danser lorsque les mots, parfois, n’arrivent plus à sortir. Peu à peu, un récit se dessine. L’ordre des choses se renverse, et le dehors surgit à l’intérieur, par bribes. Comme une forêt profonde qui renaîtrait doucement des planches du théâtre, au gré de ces symboles, dispersés çà et là : de la terre qui s’étale, un peu de pluie coulant sur un visage, quelques petits cailloux qu’on emporte avec soi. Et le souffle, toujours, qui s’empare de nos rêves, comme la voile d’un navire que le vent mène au large …
Dans ce spectacle, créé en 2017, Nathalie Béasse explore les failles, les secrets et les difficultés d’exister d’une humanité en prise avec la nature. Si les mots sont présents, portés par un quatuor d’acteur·ices magnifiques d’authenticité, ce sont surtout les corps, les textures, les sons et les images qui prédominent dans ce vaste poème scénique, qui met tous nos sens en éveil et nous fait naviguer entre rire, contemplation et introspection. Des tableaux vivants d’où s’échappent des éclats d’intimité saisis sur le vif, dans l’instant, et des fragments de paysages au sein desquels le minéral, le végétal et l’humain finissent par se confondre. Car derrière les craquements de ces arbres qui tombent, on entend le bruissement de nos corps qui vacillent, qui chutent parfois, mais qui, eux, contrairement aux arbres, finissent possiblement par se redresser. On entend également le murmure de cette forêt invisible, que Nathalie Béasse fait lentement pousser au fond de nos imaginaires. Une brèche ouverte au merveilleux, et à l’immensité des désirs que nous portons en nous.