A propos
La chorale d’Ici a perdu son chef – et voilà que, providentielle, une cheffe italienne de renom débarque pour insuffler un nouvel élan au petit groupe. L’événement intrigue et crée la rumeur : on se demande ce que vient faire une sommité étrangère dans cette ville sans envergure ni spécificité remarquable. Au fil des frictions entre la petitesse de la chorale amatrice et le projet ambitieux de la nouvelle venue, c’est une singulière figure du chœur qui se dessine, tout aussi risible qu’inquiétante. Manipulant corps, affects et répertoires, la cheffe va chercher à propulser l’insignifiante chorale d’Ici au premier rang d’un grand événement européen.
Sur cette situation élémentaire, Gabriel Sparti construit une deuxième création qui prolonge l’ironie inquiète d’Heimweh/Mal du pays, auscultant une nouvelle figure monstrueuse du corps politique contemporain. Là où le premier spectacle jouait jusqu’à l’absurde avec un désir de conformisme asphyxiant les démocraties européennes, Menace chorale s’attaque aux désirs d’ordre, d’autorité et de puissance qui les menacent à présent dans leurs fondements même. Et, à nouveau, c’est par le rire que l’on tentera de déplacer les regards sur cet état de crise où « l’ancien meurt, le nouveau ne peut pas naître » , tandis que « pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés » – selon les mots que posait Antonio Gramsci face aux diverses formes de fascisme qu’il voyait poindre dans les années 1930.