Dès juillet 1945, en vertu d’un accord avec le commandement allié, la Belgique obtient l’autorisation d’employer plus de 60 000 prisonniers allemands au titre de « dommages de guerre ». Dans un pays en ruine, qui tente de relancer au plus vite son économie, ces hommes sont affectés principalement à un des métiers les plus dur et les plus dangereux : celui de mineur de fond.
Entre 1945 et 1947, ces travailleurs contraints, souvent jeunes, parfois encore adolescents, participent activement à la "Bataille du charbon" lancée par le gouvernement d’union nationale dirigé par Achille Van Acker. Leur apport est important : entre janvier 1945 et janvier 1946, la production nationale de charbon double, et près des deux tiers de cette hausse sont directement imputables à ces prisonniers. En 1946, ils produisent à eux seuls entre 600 000 et 700 000 tonnes de charbon.
Répartis dans 38 camps de travail – dont 32 implantés à proximité immédiate des sites miniers et 6 dans les forêts ardennaises pour la production de bois de soutènement. Partageant avec les autres gueules noires les dangers inhérents au métier de mineur, ces prisonniers allemands ont, pour certains d’entre eux, payé de leur vie.
Ces travailleurs oubliés ont participé à l’effort de reconstruction, au même titre que les mineurs belges, italiens et d’autres nationalités venus ensuite. Plusieurs d’entre eux, une fois libérés en 1946-47, firent le choix de rester en Belgique. Parmi eux, cinq perdirent la vie dans la catastrophe du 8 août 1956 au Bois du Cazier. En 2025, l’institution souhaite leur rendre un hommage officiel à l’occasion du 80e
anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
L’exposition « Le Charbon de la reconstruction » propose un parcours chronologique. Elle retrace, à travers des documents d’archives, objets personnels, témoignages et images d’époque, les trajectoires de ces hommes contraints à servir une économie de guerre devenue de paix. Le visiteur découvrira également le rôle symbolique de ces travailleurs dans la genèse d’une Europe en construction : en posant les bases d’une solidarité économique transnationale, leur histoire préfigure en effet la création de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier), acte fondateur de l’Union européenne.
Le parcours se clôt sur un épisode assez méconnu mais tellement porteur de sens : la grève de février 1964, lorsque deux anciens prisonniers allemands, restés mineurs au Bois du Cazier, participent à un mouvement collectif contre la fermeture de la mine. Par ce geste, ils rejoignent une communauté de destin, tissant définitivement leur histoire à celle de la Belgique.
À travers cette exposition, le Bois du Cazier invite à revisiter une page complexe de l’histoire européenne, où ennemis d’hier deviennent bâtisseurs d’un avenir commun.