Marx prédisait déjà que, dans notre société capitaliste, le travail serait de plus en plus aliéné du corps. Aujourd'hui, les interactions numériques supplantent de plus en plus le contact physique.
Dans un tel contexte, le toucher devient un acte de résistance. Dominguez fait notamment le lien avec l'« ayni », un concept des peuples andins selon lequel toucher la terre, c'est nous aussi être touché par elle. La cosmologie des Yorubas constitue également une source d'inspiration. Le son n'y est pas une force passive, mais une force active qui sert de médiateur entre les humains, leurs ancêtres et le divin. Il rappelle le deep listening de Pauline Oliveros, ou marque une forme d'attention lente, délibérée et communautaire. Ces nouvelles formes de toucher et d'écoute créent des espaces de guérison collective, de reconnaissance de la matière et de culture de l'empathie.
C'est précisément ce que vise l'artiste lorsqu'il guide le public à travers une exposition, une installation sonore et un laboratoire d'argile. Chaque étape stimule différentes manières de toucher et d'écouter. Des effigies de visages pré-sculpturaux et des fragments de texte en argile sont au cœur de l'exposition. Ni figuratifs ni représentatifs, ils évoquent l'ambiguïté de l'expression humaine. Dans le laboratoire, les spectateur ·ices se transforment alors en artisan ·es, en façonnant l'argile sans expertise technique ni résultat définitif. Iels travaillent collectivement dans le cadre d'un processus organique, en se concentrant sur le travail partagé, le temps et la remise en question des récits fixes. Leur n’est pas de modeler un objet abouti. Ce qui importe est l'acte de fabrication lui-même.
• Juan Dominguez est un artiste, créateur et organisateur de chorégraphies et d'arts du spectacle, qui vit à Berlin et à Mexico. Il se considère comme un clown conceptuel, un cow-boy magique en porcelaine, un mannequin-poète, un conteur débridé et un curateur du plaisir. Il produit ses propres œuvres depuis 1992, explorant le théâtre comme médium et redéfinissant les paramètres de la danse - le corps, le temps, l'espace et le langage. Son travail met l'accent sur l'aspect participatif de l'art vivant, en cherchant de nouvelles façons de comprendre la responsabilité, l'implication et la co-écriture entre toutes les personnes impliquées. Son passage récent à la céramique marque un nouveau dialogue avec les arts visuels. Au cours des 24 dernières années, il a réalisé des projets pouvant être qualifiés de pratiques chorégraphiques étendues ou qui se situent à l'intersection entre la danse et l'art vivant.