Brussels Food Festival
Oudergem - Bruxelles
La proposition prend source dans la décision
de montrer l’un des volets du triptyque De la guerre, dernière œuvre du
peintre Claude Panier (1956-2021). Basé sur les scènes de batailles de
Paolo Uccello, ce triptyque monumental convoque l’histoire picturale dans sa
capacité à restituer la violence de guerre, singulièrement dans l’offense
qu’elle fait au corps des femmes. Peint dans et sur un support de paraffine,
dominé par le rouge, le triptyque abîme l’héritage pictural des injures faites
aux terres comme aux corps. Griffures, coulures, affaissements, démembrements :
l’œuvre ne désespère pas pour autant des capacités des gestes, matières et
signes à faire opposition à l’horreur.
En dialogue avec l’un des volets du triptyque (celui désigné comme Scènes
primitives, comme une source donc), sont invitées quatre propositions qui,
toutes, volontairement ou non, ont trait aux héritages artistiques, mobilisés
dans une formulation des violences guerrières à l’acte aujourd’hui :
De Camille Dufour (°1991, BE), Lavandière de la nuit # 3, 2019 : c’est une gravure sur bois de grand format dont nous montrons la matrice de même que plusieurs tirages suspendus en cônes, tirages puisés à cette matrice, jusqu’à épuisement de l’encre. L’iconographie, inspirée de celle de l’Apocalypse, multiplie et agence les scènes de destruction habitant la réalité moderne et contemporaine, tout en mobilisant les héritages de Goya, des expressionnistes allemands, de la gravure de guerre.
D’Hanane El Farissi (°1990, MA), Destroy, and the time to start over, 2021 : un diptyque qui est en réalité le fragment d’une exposition conçue pour Moussem Gallery. Ce sont deux dessins dont le fond est traité en un lavis dense et mouvant. Une topographie grisâtre arpentée de contours noris. Sur ce fond, un dessin à la plume, au trait, bleu. Ce sont des images de guerre, des architectures en ruine, des maisons trouées et affaissées. Puisées à des images d’actualité, ces représentations puisent aussi aux scènes narratives de Hieronymus Bosch, dont les allégories de l’enfer en particulier ont fortement imprégné la pratique du dessin d’Hanane El Farissi.
Michel Lorand (°1961, BE) est un artiste vidéaste. De son vaste corpus, l’exposition RAW WAR propose Full Moon Rising (2015), une boucle de 15 minutes, hantée par le bruit du vent. Pendant tout le film, une caméra nocturne filme le parcours de la lune, retransmis sur l’écran du coin inférieur gauche au coin supérieur droit. Ce trajet se superpose à des images de guerre pour que, finalement, le chemin de la lune se dépose dans la plaie d’un impact de balle trouant la poitrine d’un enfant. Une vidéo comme hallucinatoire qui agence le cycle astral à celui de la catastrophe et du crime, dans une texture filmique crue rappelant les représentations médiatisées des théâtres de guerre.
Sabrina Montiel-Soto (°1969, VE) est née au Venezuela. Elle vit et travaille à Bruxelles depuis 2012. En 2022, elle proposait dans les souterrains du palais du
Coudenberg, une exposition intitulée Curiosa, investigation des sources
de l’exotisme, inscrit dans la conquête des Amériques, comme dans les données
intrinsèques à la civilisation de la Renaissance et, par suite, de la modernité
européenne. De cet ensemble, nous montrons Perspectiva lineal de un loro,
« Perpective linéaire d’un perroquet ». Un ensemble de cadres
« cible » la figure d’un perroquet empaillé. Le travail perspectif,
enjeu majeur de la peinture à la Renaissance, est ici saisi dans ses enjeux de
conquête territorial comme de la construction d’un imaginaire saisissant un
« ailleurs » dans le cadre de sa représentation.